Son retour à la vie quotidienne fut compliqué; elle pensa à tort pouvoir faire une croix sur ces quelques jours de détention mais elle dut se rendre à l'évidence....L'incident l'avait fragilisée .....Elle n'osait plus sortir seule même pour une rapide course à l'épicerie....Elle ressentait les symptômes de l'angoisse dès qu'elle se retrouvait seule et ses nuits n'étaient ponctuaient que par des suites de cauchemars ....Son ami lui conseilla de consulter un psychologue pour mettre des mots sur ses peurs et les combattre. Elle s'y rendit à contre-coeur ....Mais elle n'arrivait plus à travailler et son quotidien devenait difficile à gérer. Sa  psychologue était une femme grande et robuste. Elle avait un fort accent alsacien et aimait rire à gros éclats...Elle lui parlait à chaque séance mais n'éprouvait aucun réconfort et surtout se sentait incomprise. Ses cauchemars étaient plus que jamais présents et elle étouffait entre les quatre murs de son appartement.....

Elle  sentait ses forces lui échapper;  pourtant elle devait fuir . Mais elle puisa dans une sorte d'énergie du désespoir....Sur le toit elle put accéder à un autre appartement dont la persienne était ouverte...Elle hésita à s'y glisser mais la peur d'être rattrapée par  son ravisseur la fit agir...Elle entra doucement dans une pièce qui semblait être à première vue  une salle de bain.A bout de force elle s'évanouit malgré sa volonté de fuir encore plus loin. Son corps lui faisait cruellement ressentir ses limites. Quant elle reprit connaissance elle se sentit tout d'abord confuse....Ne se souvenant plus vraiment ce qui c'était passé et encore moins ce qu'elle faisait dans ce lit si parfaitement bordé. Une voix féminine semblait lui parler ....Une femme d'un âge indéfinissable se tenait devant elle. Elle semblait rassurée de la voir s'éveiller...Puis, elle se souvint de sa captivité, de son amoureux ....Tout lui revenait à présent et cet abominable mal de tête qui lui enserrait le crâne ......Elle referma les yeux et dormit encore quelques heures. Son sommeil fut agité, fièvreux mais libérateur. Toutes les angoisses des jours passés se manifestaient comme pour lui permettre une sorte de cicatrisation.

Son ravisseur l'avait délestée de ses papiers et portable. Elle songeait à son amoureux et cela lui faisait mal. Comment s'en sortir, personne ne pourrait la retrouver ici. Paquita se sentait abrutie par la déshydratation et le manque de nourriture. Elle gisait  repliée sur elle-même. Son ravisseur la voyant affaiblie prenait moins de précaution ....Il lui détacha les liens et lui posa à ses pieds un peu d'eau ....Elle était consciente de ce qui se déroulait mais ne bougeait pas...Envahie par la peur et la lassitude elle restait sur ses gardes....Sentait qu'en restant immobile elle trouverait peut être son issue...Effectivement, les heures passant l'homme taciturne prenait davantage de risques...Il faisait moins attention à elle et la laissait souvent détachée en sa présence. Elle sortit de sa torpeur , il faisait nuit lui semblait il de par l'obscurité et les ronflements de l'homme. Elle resta un long moment sans bouger...Ses muscles endoloris lui faisaient mal. Elle craignait de le réveiller ...Alors tout doucement comme si elle était face à un serpent, commença à se mouvoir sans bruit et en douceur. L'homme ronflait toujours ....La porte était fermée à clé ..elle tremblait à l'idée de s'approcher de son ravisseur pour lui reprendre les clés...Elle se rendit dans la salle de bain ...Une petite fenêtre juste assez grande pour un enfant ou une femme fine....Elle l'ouvrit...Retint son souffle, et le coeur battit à se rompre lorsqu'elle put se dégager par cette petite ouverture. Elle était proche du toit, s'agrippa avec la force du désespoir et se hissa sur le sommet.   

Les semaines s' étaient passées, déroulées et l'activité de Paquita se mettait doucement en place. Certains clients s'étaient confirmés d'autres désistés mais elle se sentait rassurée dans le choix de son activité. Elle travaillait essentiellement avec des professionnels mais, parfois des particuliers la contactaient. Un matin elle lu un texto sur son portable professionnel .....Un particulier souhaitait la rencontrer pour redéfinir la décoration de son habitation ...mais, chose curieuse, qu'elle ne releva pas ou alors juste le temps d'une fraction de seconde c'est que le rendez vous était fixé dans un parc de la ville. Elle trouvait ce lieu plutôt agréable en cette saison et sans trop se poser de questions se prépara pour sa journée de labeur. Vers treize heures de l'après midi elle attendait depuis cinq minutes déjà au pied de la statue d'Henri IV ....Elle commençait à se demander si elle n 'avait pas eu affaire à un plaisantin,  lorsqu'un homme grand et plutôt élégant arriva à sa rencontre. Elle  prêta peu d'intérêt à sa physionomie, elle remarqua surtout le grand chapeau citadin un peu passé de mode et les lunettes noires ....Il lui proposa de l'accompagner avec sa propre voiture,elle risquerait de se perdre en le suivant et puis le chemin était un peu compliqué à expliquer. La jeune femme le suivit sans hésitation ....L'immeuble lui sembla plutôt modeste et en décalage avec le client, elle préféra ignorer ce détail. Mais, une fois à l'intérieur elle ressentit une sorte d'intuition...Et frissonna quand elle entendit le verrou verrouiller la porte. Puis tout alla très vite ....Une douleur à la tête ....Puis un réveil douloureux et des poings solidement attachés ....Elle ne se rappela pas du temps restée seule dans la pièce....Il lui semblait que les minutes s'écoulaient au ralenti...Elle avait chaud et ses blessures lui brûlaient la peau. L'homme fut de retour.....sans un mot ...seule une présence glaciale....Et ce silence la tétanisait. Elle s'écroula, noyée par la chaleur, la fatigue....   

Un large sourire, laissant découvrir la petite  fossette de sa joue, Paquita pénétra, victorieuse , dans l'appartement. Elle poussa un cri de joie et sauta dans les bras de son amoureux. Il eut du mal à contenir cette joie débordante. Elle lui raconta la journée.... monsieur Paillard, le boucher avait été très content de son travail...Il lui avait fait des louanges et des promesses de refaire appel à son talent. Il en parlerait aux autres commerçants. Son premier encaissement .....Elle avait ramené avec elle une petite bouteille de champagne brut de la cuvée or et des gourmandises au chocolat....Son amoureux en fondit de plaisir et il fallut le ranimer par des bouches à bouches peu conventionnels. Elle plaça le chèque dans sa boîte à sucre nommée pour l'occasion "Comptabilité" et se sentit électrique pendant plusieurs jours.....Effectivement, d'autres clients éventuels prirent contacts et son agenda se noircissait de rendez vous. Puis, un jour elle reçut l'appel catastrophé de monsieur Paillard qui venait de subir le matin même un acte de vandalisme....La vitrine brisée, la décoration abîmée et un message tagué pour tout signature: " Je te détruirai  ....Amuse toi tant que tu le peux encore!!!! "

Elle fut peinée de ce qu'avait subi le pauvre boucher et lui promit de tout redécorer gratuitement. Sa trésorerie en souffrirait un peu mais elle ne se voyait pas refacturer son premier client.

Les jours suivants, la jeune femme eut peu de temps pour se reposer....Ayant reçu l'accord de monsieur Paillard elle courrait les boutiques pour y dénicher les accessoires indispensables à la décoration de la vitrine. Son ami la regardait entreposer  dans leur appartement tout le matériel....Parfois il se prenait les pieds dans les objets mal rangés ou déplacés au milieu du passage. Paquita convenait que ce n'était pas pratique pour circuler ou même pour décrocher du travail...Il faudrait songer à trouver un petit garage pour tout ranger. Son amoureux la couvant du regard, lui caressa les cheveux amoureusement. Heureusement que notre lit n'en est pas envahis ...  Je ne pourrais pas me caler tout contre toi pour dormir...Cette pensée la fit sourire.Le lendemain elle profiterait de la fermeture pour arranger la vitrine que les clients découvriraient dès le mardi matin. Pour se détendre les muscles les deux jeunes gens profitèrent du beau temps pour se promener dans leur montagnette préférée. Et s'installèrent dans les herbes sauvages pour improviser  câlins et sieste réparatrice.   

Un brin nerveuse, Paquita, vêtue d'un joli tailleur pastel, tenta péniblement de souligner légèrement son regard, au moyen d'un eye liner bleu, mais sa nervosité rendait la tâche plus difficile. Mister cat, affamé, ne comprenant pas que sa maîtresse passe autant de temps face à un miroir, miaulait comme un beau diable pour lui rappeler que son petit déjeuner devait lui être servi. Heureusement que son amoureux arriva à la rescousse et emporta promptement le félin bavard jusqu'à sa gamelle. Quel petit goinfre tu fais ...A peine servi et déjà en demande....La jeune femme, enfin prête enfila ses escarpins gris clairs et se munit de son porte document. Elle devait rencontrer monsieur Paillard, le boucher, avant l'ouverture du rideau. Elle espérait que cette entrevue concrétise le début de son activité et son ami la contemplait d'un regard bienveillant. Elle arriva, relativement rapidement, à la boutique qui se situait à quelques pâtés de maisons de leur appartement. Le patron,monsieur Paillard, la salua sur un ton gai et jovial. Elle se sentit vite rassurée et présenta ses croquis .....Il se réservait quelques jours pour lui apporter sa réponse mais semblait conquis par ses idées et par le prix proposé. Elle revint chez elle, éreintée, comme si elle venait de disputer un tournoi de  Quidditch  ....Elle rejoignit Mister Cat affalé de tout son long sur le canapé, même si, par son miaulement plaintif, il lui précisa, à sa manière, qu'elle lui écrasait la queue.      

Paquita contemplait fièrement les cartes de visites qu'elle venait de retirer chez l'imprimeur. Pourvu qu'elle trouve facilement des clients. Il lui faudrait démarcher les commerçants de la ville. Pâques approchait ...Elle pourrait réaliser des vitrines originales....Finalement cette nouvelle idée, cette nouvelle perspective professionnelle la séduisait de plus en plus. Son amoureux avait vu juste et clair dans ses possibilités et ses envies. Mais, elle se sentait nerveuse....Beaucoup de questions restaient en suspend....Et si elle ne trouvait pas de client....Et si son travail ne plaisait pas....Ses nuits étaient agitées et courtes....Elle ressassait inconsciemment tout ce qui la stressait et,  la nuit,  ses angoisses s'exprimaient librement. Perdue dans ses pensées elle n'entendit pas la porte d'entrée s'ouvrir et son chéri surgir devant elle tel un diable sortant de sa boîte. Elle poussa un cri....Ils en sourirent tous les deux...Il venait de parler d'elle au boucher et celui ci serait intéressé...Paquita se sentait enthousiaste et nerveuse à la fois. Son amoureux l'enlaça, la serra tout contre lui et l'embrassa amoureusement...Elle oublia l'espace d'un câlin ses doutes et se lova dans un corps à corps amoureux sous la couette malgré les miaulements plaintifs de mister cat qui attendait son repas du soir avec l'impatience d'un chat nourri à heure fixe.

Paquita se sentait "frileuse" à l'idée d'exercer une activité sans diplôme comme garanti. Il lui semblait que cela aurait pu prouver sa valeur. Et puis comment trouver sa clientèle...Encore plus de questions restées sans réponses.Elle avait déjà perdu des semaines à élaborer son dossier pour la restauration diététique et l'idée de tout recommencer ne lui plaisait qu'à moitié.  Son ami la regarda, en souriant. Mais ma chérie tu arranges avec trois fois rien notre appartement, tu sais instinctivement agrandir, et mettre les objets en valeur...Je suis presque jaloux parfois de ne pas en être un....ajouta t il en la serrant tout contre lui. De plus, tu n'as pas besoin de local, pas de capital,tu dois juste  trouver une clientèle. La jeune femme le regarda avec de gros yeux ....Mais enfin c'est le plus difficile à trouver....Comment me feraient ils confiance ....Pour l'heure ma chérie je te propose de mettre nos cerveaux au repos ....Nous pourrions déguster les excellentes lasagnes de Mario et puis s'adonner à des plaisirs plus intimes....Paquita eut un petit sourire gêné en prononçant amoureusement le prénom de son aimé.Il sera bien assez tôt demain de trouver les clés de la réussite.....Je passe ma petite robe en velours bordeaux et je suis prête....   

Les jours suivants furent surtout rythmés par des plans, des calculs et une constitution plus solide du projet...La jeune femme ne comptait pas les heures pour le préparer ....Elle voulait y croire et pourtant la conjecture économique avait de quoi rendre frileux plus d'un banquier. Elle avait un peu d'argent sur un compte épargne...L'héritage d'une tante mais elle ne souhaitait pas l'utiliser. Elle préférait trouver un prêt pour se lancer mais son ami trouvait le parti trop hasardeux. Avec les charges et les crédits à rembourser,  sans compter la location du local elle ne pourrait jamais retirer un salaire. Je crains ma chérie que tu t'épuises pour rien..... Pourquoi ne pas acheter le local plutôt que de le louer? Elle le regarda, abasourdie....Mais, il vaut 150 000 euros. Plus la jeune femme calculait les sommes à investir et les charges mensuelles moins elle trouvait de solution. Et  pourtant elle souhaitait le réaliser ....Elle travaillait à mi temps dans un établissement scolaire pour remplacer des professeurs absents. Cette sécurité pouvait jouer en sa faveur mais ne valait il pas mieux repenser son projet pour se donner davantage de chance. Loin d'être de nature frileuse son amoureux avait la tête sur les épaules et aimait savoir où il allait. Paquita possédait d'autres talents qu'elle pouvait exploiter. Elle avait un coup d'oeil sûr pour juger une pièce et la mettre en valeur. Et pourquoi ne pas devenir "architecte d'intérieur". La jeune femme fit la moue. Reprendre des études? Elle ne le souhaitait pas.Tout le monde peut exercer cette profession lui répliqua son ami ...